Mai 2015 – Vers une recherche spécifique sur le cancer des enfants : comment l’association Imagine for Margo se mobilise

L’association Imagine for Margo – Children without Cancer se mobilise fortement depuis sa création il y a trois ans, afin d’accélérer le développement de nouveaux traitements, spécifiques et plus efficaces pour les enfants et adolescents atteints de cancers. Le cancer des enfants n’est pas si rare pour être ignoré. Le temps presse car avec 500 décès chaque année en France, soit plus d’un enfant par jour, le cancer reste la première cause de mortalité des enfants par maladie. Nos actions visent donc à faire bouger les lignes tant en France qu’au niveau européen et mobiliser tous les différents acteurs, financeurs et décideurs afin de développer de nouveaux traitements, innovants et plus efficaces, pour les enfants et adolescents atteints de cancers. En France, l’association organise depuis deux ans, à l’occasion de la journée internationale du cancer des enfants, un colloque au Palais du Luxembourg à Paris, intitulé « Vers une recherche spécifique sur les cancers des enfants ». Cette année, le deuxième colloque, dont le maître-mot était « travaillons ensemble » a réuni le ministère de la Santé, l’Institut national du cancer (INCa), des sénateurs, les entreprises du médicament (LEEM), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), la Société européenne d’oncologie pédiatrique (SIOPE), les grandes organisations qui financent la recherche (Fondation ARC, la Ligue contre le cancer), des associations de parents et de patients, de nombreux médecins et chercheurs pour mener des débats dans une perspective française mais également européenne.

Quatre thèmes ont été développés :

  • permettre une meilleure connaissance des tumeurs des enfants et adolescents ;
  • développer des essais cliniques innovants ;
  • trouver le moyen d’accélérer l’accès à l’innovation en complément des essais cliniques ;
  • faciliter l’investissement dans des médicaments spécifiques aux enfants.

Afin d’accélérer l’innovation en amont des essais cliniques, nous travaillons sur la duplication de manière sécurisée et coordonnée des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) accordées à un enfant pour certains types de médicaments. Il s’agit là d’informer les familles et les médecins des ATU délivrées afin que d’autres enfants puissent également en bénéficier. L’on gagnerait ainsi un temps précieux pour les familles. Cela nécessitera une bonne coordination entre l’ANSM et les médecins qui suivent les patients. 

Nous avons lancé la création d’un observatoire des cancers de l’enfant et de la recherche afin de créer la transparence et partager l’information. Cet observatoire permettra d’identifier clairement les objectifs prioritaires sur les cancers des enfants, d’y associer des indicateurs de performances et de résultats, et de publier régulièrement sur les avancées. Nous souhaitons aussi faciliter l’accès à l’information (par exemple sur les essais cliniques en attente d’ouverture) et la rendre plus égalitaire. Plusieurs associations de parents participent à ce projet.

Au niveau européen, nous participons activement à une mobilisation inédite : la plateforme européenne d’oncologie pédiatrique. Créée début 2014, la plateforme regroupe des académiques (médecins, chercheurs), des représentants des laboratoires pharmaceutiques, des membres du comité pédiatrique de l’Agence européenne du médicament, des associations de parents et de patients, des membres de l’Innovative Therapies for Children with Cancer (ITCC) et de la SIOPE. L’objectif est d’améliorer le développement de nouveaux médicaments pour les enfants et les adolescents atteints de cancer, et préparer le changement dès main-tenant, sans attendre la révision de la réglementation en 2017.

Quatre groupes de travail ont été créés sur les thèmes suivants :

1. développer selon le mécanisme d’action du médicament et non la pathologie adulte ;
2. la coopération entre les compagnies pharmaceutiques ;
3. de nouvelles méthodes et nouveaux designs au niveau des régulateurs ;
4. des incitations réglementaires pour des médicaments spécifiques à la pédiatrie.

Nous sommes membre du comité de pilotage de la plateforme et pilotons le groupe de travail 4. Cette plateforme a été publiée dans l’European Journal of Cancer. Nous nous mobilisons afin de préparer la modifica-tion du règlement pédiatrique européen et pour que la France soit moteur d’une réglementation visant à faciliter l’investissement de l’industrie dans une recherche spéci-fique sur les cancers des enfants. Une consultation publique aura lieu en 2017 pour la modi-fication du règlement pédiatrique européen voté en 2007. Cette réglementation a été une vraie opportunité au déve-loppement de médicaments pédiatriques en Europe mais on ne peut que constater qu’aucun nouveau médicament n’a été développé pour les cancers des enfants. Le règlement pédiatrique oblige les laboratoires qui développent des médicaments chez l’adulte, à rédiger un plan d’investigation pédiatrique (PIP) pour évaluer l’efficacité chez l’enfant. Mais il est possible d’y déroger si, au final, le médicament est destiné à une maladie adulte (ce qui est largement le cas pour les cancers). Il faut donc trouver un moyen d’agir sur ces dérogations en visant, par exemple, le mode d’action du médicament et non pas la maladie finale. Il ne s’agit pas de supprimer le règlement pédiatrique, il faut l’améliorer pour avancer plus vite dans le développe-ment de nouveaux médicaments. Il est important de regarder aussi du côté des États-Unis où le Creating Hope Act, voté en 2012, vient de permettre, le 10 mars 2015, la mise sur le marché d’un 1er médica-ment spécifique à l’onco-pédiatrie et destiné aux enfants atteints de neuroblastome. Il s’agit là d’une réglementation qui incite les industriels à investir directement en pédiatrie (et non d’abord chez l’adulte) en accordant une autorisa-tion de mise sur le marché (AMM) accélérée de 6 mois pour un médicament autre (et notamment adulte). Le certificat délivré par le régulateur américain (FDA) est cessible et monnayable de manière illimitée. Dans le cadre du groupe de travail de la plateforme européenne que nous pilotons, et avec Nancy Goodman, la présidente de l’association Kidsvcancer qui a co-écrit le Creating Hope Act, nous avons mené une étude approfondie de cette réglementation et des incitations possibles pour les industriels, notamment via un questionnaire aux industries et plusieurs rencontres. Ce groupe de travail réunit des chercheurs et médecins (dont pour la France le Pr François Doz de l’Institut Curie, le Pr Judith Landman-Parker de l’hôpital Trousseau et le Dr Natalie Hoog Labouret de l’INCa), des membres du comité pédiatrique de l’Agence européenne du médicament (EMA) (dont le vice-président), des industriels (représentants de Celgene, Lilly et O4CP) et associations de parents (dont une représentante de l’association internationale des parents d’enfants atteints de cancer et la présidente de KidsvCancer). Plusieurs leviers très concrets ont été identifiés, tant sur des aspects d’incitations financières, de revues des procédures que sur la nécessaire coopération et le renforcement de la communication sur les challenges des cancers des enfants. Nous avons donc lancé récemment un appel au gouvernement afin que la France soit leader d’une réglementation européenne facilitant véritablement l’investissement des industriels dans des médicaments spécifiques aux enfants (nouveaux médicaments ou médicaments abandonnés chez l’adulte mais pouvant avoir un bénéfice chez l’enfant). Enfin, en 3 ans, nous avons affecté 1,3 millions d’euros à des programmes de recherche européens innovants et ambitieux. Dés 2013, nous avons permis le démarrage en France et en Europe de l’essai VINILO sur les gliomes de bas grade, tumeurs les plus fréquentes chez les enfants. L’essai est piloté par Gustave Roussy et va bénéficier à 120 enfants dans 6 pays. Fin 2013, l’essai BEACON sur le neuroblastome, tumeur qui touche les très jeunes enfants et au taux de guérison de seulement 50 %, a pu démarrer en France grâce à notre co-financement. Un nouveau programme d’imagerie fonctionnelle a aussi pu être mis en place. Depuis septembre 2014, l’essai Biomède, financé par un PHRC (l’État) et par Imagine for Margo, propose dès le diagnostic, un portrait moléculaire et une thérapie ciblée aux enfants atteints d’un gliome du tronc cérébral, tumeur cérébrale au très mauvais pronostic. Imagine for Margo a aussi financé le séquençage complet du génome de ces tumeurs. En cours de mise en place, l’essai clinique transversal européen ESMART portera sur une vingtaine de médicaments de plusieurs laboratoires, afin de proposer un traitement ciblé à tous les enfants en rechute ou en échec thérapeutique (tous cancers, y compris les leucémies). La mise en place a été discutée avec l’INCa, la Société française de lutte contre les cancers et leucémies des enfants et adolescents (SFCE), l’ANSM et le groupement de chercheurs européens ITCC mené par le Pr Gilles Vassal (IGR). Afin que cet essai puisse démarrer en France au plus vite, Imagine for Margo va lui affecter les fonds collectés lors de son événement annuel « enfants sans cancer ». Cette marche/course aura lieu le dimanche 27 septembre 2015 au Parc de Saint-Cloud (En 2014, 665 000 euros ont été collectés pour la recherche). 

Plus d’informations sur : http://www.enfantssanscancer. com. Les actions de l’association sont boostées par le message mobilisateur laissé par Margo : « Vas-y, bats-toi, gagne », afin d’imaginer un jour un monde avec des « enfants sans cancer ».

Rédigé par Patricia Blanc

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