Pour la journée mondiale du cancer de l’enfant, Patricia BLANC, Présidente fondatrice d’Imagine for Margo et Patrick ERRARD, membre du Comité d’Orientation Stratégique d’Imagine for Margo appellent dans une tribune à lever les contraintes législatives et à créer un nouvel écosystème permettant de construire un monde avec des enfants sans cancer.
Près d’un enfant sur 440 sera atteint d’un cancer ou d’une leucémie avant ses 15 ans. Parmi ceux-là, 6.000 décèdent chaque année de leur maladie en Europe. Lorsque l’on prend conscience de ces deux chiffres, surtout si l’on est parent, on ne peut que crier à une forme « d’injustice » tant le cancer de l’enfant parait absurde dans l’ordre naturel des choses.
Mais en réalité, si injustice il y a, elle se trouve ailleurs. Car la bonne nouvelle c’est que de nombreuses perspectives de traitements innovants ont vu le jour depuis ces 10 dernières années, en particulier dans la prise en charge des leucémies, améliorant sensiblement le pronostic de ces maladies. Or, il faut savoir que le développement des nouveaux médicaments, se concentre préférentiellement sur les cancers de l’adulte, dont l’incidence est plus élevée, et sur lesquels l’enrôlement des patients dans les études est plus rapide.
Bon nombre de traitements de thérapies ciblées développés ainsi chez l’adulte, pourraient avoir une application sur les cancers de l’enfant. C’est là que le bât blesse. Le développement des médicaments à visée oncopédiatrique se heurte à deux problèmes majeurs.
Le premier est d’ordre économique. Les études cliniques nécessaires au développement d’un médicament en oncologie chez l’enfant sont longues parfois complexes à réaliser, pour une prise de risque qui n’est pas neutre du point de vue des industriels. A fortiori, quand ces innovations sont incubées par des start-ups, le problème des levées de fonds reste, en France, un sujet majeur, du fait de la faible rentabilité du modèle économique qui en découle.
Le deuxième, est d’ordre réglementaire. Le règlement Européen (2007), qui doit, du reste être révisé cette année, n’a pas, à ce jour, atteint ses objectifs incitatifs au développement des indications pédiatriques des molécules anticancéreuses développées chez l’adulte. Si fait que l’incitation à la recherche en oncopédiatrie repose aujourd’hui sur ce que nous appellerons des initiatives relevant de « bonnes volontés individuelles », bien souvent issues des associations et des fondations.
Mais la bonne volonté collective, n’est hélas pas la somme des bonnes volonté individuelles. Il nous faut donc revisiter d’urgence les deux piliers de l’innovation thérapeutique pour lutter contre les cancers de l’enfant. D’abord, revoir le modèle économique en incitant plus les firmes à s’engager dans le développement de leurs molécules chez l’enfant, par exemple en garantissant des protections de prix ou en les associant à des partenariats public-privé défiscalisés, en particulier en France.
Il faut par ailleurs réfléchir à une « mutualisation » des fonds d’investissements à travers une dotation commune pour financer des start-ups, où des organismes d’Etat tels que la BPI pourraient jouer un rôle essentiel. Ensuite, le règlement Européen doit s’attacher à proposer des mesures permettant le transfert automatique des technologies à des centres de recherches dédiés au cancer de l’enfant, dès lors que celles-ci ne peuvent être développées dans le cadre d’un partenariat entre les industriels et les instituts publics. Cette même directive doit être guidée par le principe d’innovation et par les résultats de la recherche fondamentale sur les cancers de l’enfant.
C’est ce combat que nous livrons à l’Association Imagine for Margo, pour faire en sorte que l’on ne soit plus tenté de placer l’injustice au rang des fatalités.