Dans cette interview, Clémentine Bernard, socio-esthéticienne à l’hôpital Necker, dont la mission a été financée grâce au Rallye du Cœur, vous raconte tout sur sur son quotidien avec les enfants et le personnel soignant.
Qu’est-ce que la socio-esthétique ?
La socio-esthétique est une adaptation des soins esthétiques au milieu médical et social. Ils sont pratiqués auprès de populations souffrantes et fragilisées par une atteinte à leur intégrité physique, psychique ou en détresse sociale. Dans le cadre d’un travail pluridisciplinaire, les soins esthétiques utilisés comme outils de médiation corporelle, permettent un accompagnement à visée thérapeutique. L’approche est toujours basée sur le respect, le non-jugement et l’empathie.
Pourquoi avoir choisi de faire des soins de socio-esthétique ?
C’était mon objectif lorsque j’ai débuté ma carrière dans le milieu du bien-être, il y a une dizaine d’années. Je voulais aller plus loin dans mes soins, auprès de ma clientèle. J’étais souvent frustrée par un manque de temps et donc de considération. J’ai attendu d’avoir assez d’expérience professionnelle et personnelle avant de me lancer et de trouver ma place dans cette belle aventure qu’est la socio-esthétique.
On n’est pas socio-esthéticienne par hasard. Nos expériences personnelles sont souvent la raison de notre choix pour ce beau métier. Aujourd’hui, avec mon expérience, je peux affirmer que je suis à ma place, passionnée et convaincue des bienfaits de cet accompagnement qui a pour but d’apaiser le corps, le cœur et l’esprit au moment où on en a le plus besoin.
Que faites-vous pour le bien-être des enfants malades ?
Lors de mon arrivée dans le service de l’hôpital Necker, l’équipe médicale se met d’accord pour me communiquer le nom des patients qui en ont le plus besoin. Les soins sont toujours adaptés et personnalisés. Cela peut être un massage du corps, un soin des mains, un soin du visage, une pose de vernis, un auto maquillage ou des conseils concernant l’application de crèmes et de produits adaptés afin qu’ils soient autonomes.
Mon souhait est de leur offrir un moment de détente, de confort et de douceur ; leur faire vivre un vrai instant d’écoute tout en créant une relation de confiance ; de faire retrouver à l’enfant la sensation agréable du toucher et de l’estime de soi ; de soulager, apaiser et favoriser un lâcher prise ; de faire oublier la maladie le temps d’un soin ; de lui faire vivre des moments d’évasion et de détente en parallèle de la prise en charge thérapeutique et de laisser place à l’imaginaire tout en permettant à l’enfant d’être l’acteur de son mieux-être.
Par la relaxation et le travail de valorisation de l’image de soi l’objectif est de participer à l’amélioration de la qualité de vie de l’enfant hospitalisé.
Et pour le personnel soignant ?
Grâce à l’association Imagine for Margo, nous mettons également en place des journées dédiées au personnel soignant appelées « bien-être » au travail. Lors de cette journée, ils vont pouvoir bénéficier d’un moment pour eux.
Le soin va être individuel avec une attention particulière et personnalisée à chaque soignant. En effet, mon rôle est de les accompagner vers un mieux-être par un toucher bienveillant et une écoute active. De leur offrir un moment hors du temps, et de leur permettre de s’évader, de se détendre, de lâcher prise et de s’accorder une pause dans leurs journées très rythmées.
Prendre soin du soignant va également avoir un impact sur les enfants, qui vont apprécier voir leur soignants « préférés » détendus et apaisés.
En quoi les soins de socio-esthétique participent aux traitements des enfants ?
Il y a de nombreux effets indésirables liés aux traitements, les soins socio-esthétiques ainsi que les conseils adaptés et personnalisés vont les soulager et les aider à mieux les supporter. Les soins peuvent également se faire en collaboration avec l’équipe avant, après ou lors d’un examen douloureux ou lorsque l’enfant appréhende « un geste médicale », comme par exemple la pose d’une sonde.
Ne pas avoir l’air malade, préserver son image et son estime est une stratégie pour se battre contre la maladie, à travers des séances d’auto-maquillage, de massage, de vernis adaptés et colorés ou de soins du visage.
Également en accompagnant l’enfant dans son parcours de soin par l’écoute et le toucher ; en valorisant l’image du soin pour l’enfant et en contribuant à une prise en charge globale de l’enfant par l’échange avec l’équipe médicale et enfin en favorisant l’intégration au sein de son nouvel environnement, nous allons l’aider à mieux accepter les traitements.
S’occuper de la personne malade permet de l’aider à supporter les traitements et d’aller vers une meilleure qualité de vie dans le service.
Le bien-être peut-il aider à vaincre la maladie selon vous ?
Selon moi les soins socio-esthétiques permettent à la personne de se réconcilier avec elle-même par un travail sur son corps et son image, rétablissant ainsi l’estime de soi qui est un allié pour la guérison.
En intervenant auprès des soignants et des accompagnants cela permet également d’améliorer la prise en charge de l’enfant dans sa globalité et de l’aider à vaincre la maladie.
Avez-vous une anecdote sur vos soins auprès des enfants et des soignants ?
Pour les soignants, ce sont pleins de souvenirs qui me traversent l’esprit, de lâcher-prises émouvants, des remerciements sincères et touchants, des fous rires à ne plus savoir s’arrêter, ainsi que les témoignages laissés en fin de soin et les retours des patients ou des parents qui ont remarqué la différence d’atmosphère, plus légère et apaisante dans le service, lors de ces journées spéciales pour le personnel.
Concernant les enfants, j’ai plusieurs accompagnements qui m’ont particulièrement marquée ; un garçon qui avait la phobie des blocs opératoires et qui, à la suite d’un soin, y est allé sereinement, accompagné de son papa touché par ce changement de comportement.
Un plus jeune garçon qui était sur le départ pour son domicile après des mois d’hospitalisation qui m’a dit qu’il ne voulait pas rentrer, parce qu’on allait lui manquer. Chez lui, les massages, les clowns et les soignants avec qui il avait tissé des liens ne seront plus là. Comme quoi on avait réussi notre mission de faire en sorte qu’il se sente accompagné et soutenu lors de sa bataille contre la maladie.
Et enfin des regards complices entre parents et enfants que je n’oublierai jamais.
Un dernier mot ?
Merci à l’association Imagine for Margo et à ses généreux donateurs de me permettre de réaliser ces soins de socio esthétique si précieux auprès des enfants, des parents et des soignants afin d’accéder à un mieux-être général pour mieux lutter contre la maladie. Merci pour votre confiance et votre soutien constant. C’est avec un réel plaisir que je collabore depuis bientôt deux ans avec vous. Je nous souhaite encore de beaux projets communs.
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