Ce 14 mai 2025, les fondateurs de FIGHT KIDS CANCER, dont notre présidente Patricia Blanc, remettront au Dr Joshua Waterfall le prix de l’Innovation FIGHT KIDS CANCER & St Baldrick Foundation. Ce prix, d’un montant exceptionnel de 1 million d’euros, permettra à Joshua et son équipe d’explorer des idées nouvelles et des questions de fond en oncologie pédiatrique pendant quatre ans. Originaire des États-Unis, Joshua a une formation en physique et en biologie fondamentale. Depuis 2017, il développe à l’Institut Curie, où il est chercheur, des outils innovants basés sur l’intelligence artificielle pour analyser les gènes et les cellules immunitaires interagissant avec les tumeurs. L’objectif est de renforcer le recours à l’immunothérapie dans les cancers de l’enfant, afin de proposer au plus vite des vaccins anticancer ou des thérapies CAR-T. Pour en savoir plus sur son parcours aussi inédit que brillant, nous sommes allés à sa rencontre quelques jours avant la remise de son prix au congrès de la SIOP, à Budapest.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre travail contre le cancer des enfants ?
J’ai obtenu un PhD en physique théorique à l’université Cornell. Cela remonte à près de 20 ans, c’était une autre vie. Juste après, je me suis réorienté vers la biologie moléculaire, plus précisément la régulation de l’expression génétique. J’ai étudié les mécanismes fondamentaux de la régulation des gènes dans différents systèmes biologiques comme la mouche, la souris ou l’humain. J’y ai notamment co-développé une nouvelle approche de séquençage révolutionnaire. Ensuite, j’ai travaillé au National Cancer Institute, sur des projets de génomique et d’épigénétique dans le contexte de cancers rares chez l’adulte et l’enfant. En 2017, j’ai rejoint l’Institut Curie, grâce à des programmes ambitieux de recrutement de jeunes chercheurs. Depuis, je suis co-affilié au département de recherche translationnelle, au sein de l’Unité INSERM « Cancer, Hétérogénéité, Instabilité et plasticité ». J’ai aidé à la création d’une unité de recherche dédiée aux cancers pédiatriques, dirigée par le Dr Olivier Ayrault.
Comment êtes-vous venus à travailler en oncologie pédiatrique ?
Je suis arrivé à l’oncologie pédiatrique avec une double expertise : la dérégulation de l’expression génétique dans le cancer et la physique théorique, ce qui me permet de traiter de grands jeux de données et de développer des modèles complexes. Je n’avais pas prévu de m’installer à l’étranger — ma femme et mes enfants sont américains — mais j’ai été immédiatement séduit par la liberté offerte par l’Institut Curie pour explorer les liens entre cancer et système immunitaire, notamment en pédiatrie.
La spécialité de mon laboratoire est d’étudier en profondeur cette interaction, afin de comprendre les obstacles actuels au déploiement de l’immunothérapie chez les enfants. Comment les tumeurs sont-elles reconnues par les cellules immunitaires ? Qu’est-ce qui les distingue des tissus sains ? Comment les réarrangements génétiques dans les cellules immunitaires, au sein des tumeurs, évoluent-ils dans le temps et en fonction des traitements ? Ce sont des questions encore largement ouvertes. Nous y répondons en analysant des données de patients, grâce à des outils d’intelligence artificielle, en particulier pour découvrir de nouveaux antigènes tumoraux cibles. Ces avancées sont ensuite mises au service des patients via des collaborations avec des cliniciens ou des entreprises biotech.
Comment travaillez-vous concrètement contre le cancer des enfants ?
Mon groupe est entièrement computationnel. Nous n’analysons pas directement des échantillons, mais exploitons les données issues de projets cliniques et précliniques, grâce à des bases de données. Nous collaborons étroitement avec les cliniciens et d’autres laboratoires. Une grande partie de notre travail consiste à réaliser le profilage moléculaire d’échantillons de patients provenant de l’Institut Curie ou d’autres collaborateurs comme la Dr Sophie Postel-Vinay, lauréate de l’Innovation Award l’année dernière. La collaboration internationale est essentielle dans la recherche sur les cancers pédiatriques, puisque cela nous permet d’apprendre à partir du plus grand nombre possible de patients et de tumeurs. Nous tirons également profit de données issues de modèles murins ou d’organoïdes, qui complètent nos connaissances acquises chez les patients.
Comment validez-vous les données obtenues ?
La plupart des cancers pédiatriques ont peu de mutations, ce qui les rend en général moins détectables par le système immunitaire. Cependant, il existe des modifications subtiles qui peuvent conduire à la production de formes particulières d’ARNm dans les tumeurs, produisant ainsi des antigènes d’intérêt. Mon groupe est très compétent pour détecter ces ARN spécifiques au cancer pédiatrique, tout comme les protéines et antigènes qui en découlent, qui peuvent devenir des cibles thérapeutiques. Pour valider ces cibles, nous envisageons de nombreuses approches, comme des cellules immunitaires de type T du patient, modifiées pour reconnaître et s’attaquer aux cellules tumorales. Cela nous permet d’apporter la preuve de nos découvertes, avec des validations in vitro et in vivo.
Quelles idées comptez-vous explorer grâce à cet award ?
Ce prix sera entièrement consacré à l’amélioration de l’immunothérapie pour les enfants et adolescents atteints de cancer. D’abord, nous souhaitons identifier de nouveaux antigènes cibles, notamment dans des cancers encore difficiles à traiter comme le sarcome d’Ewing. Ensuite, nous voulons combler un vide important de connaissances en immunologie du développement. Nous savons comment le système immunitaire se développe à la naissance, et comment il fonctionne chez l’adulte. Mais nous ignorons ce qui se passe entre 6 mois et 18 ans : par exemple, la puberté influence-t-elle la réponse immunitaire ? Grâce à nos collaborations avec des chercheurs collectant des données sur ces périodes, nous allons explorer ces pistes inédites pour mieux stimuler l’immunité chez les jeunes patients.
Concrètement, qu’allez-vous faire avec ce financement ?
Nous allons recruter plus d’étudiants en thèse pour travailler sur ces questions. L’Institut Curie dispose d’une nouvelle plateforme de protéomique de pointe, essentielle pour identifier des antigènes. Je n’ai donc pas besoin d’investir dans du matériel ni dans de la formation. Ce prix nous permettra de financer de nombreuses analyses de tumeurs pédiatriques que nous n’aurions jamais pu mener sans ce soutien.
En quoi ce prix contre le cancer des enfants est différent des autres financements ?
Les analyses que nous réalisons nécessitent des infrastructures informatiques avancées et un grand espace de stockage. Ce prix me permet d’acquérir tout le matériel nécessaire. Par ailleurs, 1 million d’euros sur 4 ans, c’est un montant très important, bien plus que la plupart des subventions habituelles. Cela nous donne le temps et les moyens de recruter, de former et de travailler en profondeur. Enfin, la liberté que ce prix m’offre pour mener mes recherches est une marque de confiance précieuse. C’est, en quelque sorte, un rêve qui se réalise.
Un prix de l’innovation unique en son genre
Pour réaliser ce second prix FIGHT KIDS CANCER et la St Baldrick’s Foundation ont uni, une nouvelle fois, leurs forces. Leur objectif commun, soutenir les chercheurs en cancérologie pédiatrique innovants et efficaces, car le cancer reste la première cause de décès par maladie en France et en Europe pour les enfants de plus d’un an.
Ce prix de l’innovation unique en son genre s’inspire de leurs valeurs communes. En effet, toutes deux encouragent à sortir des sentiers battus, à faire preuve d’une véritable innovation, d’une excellente qualité scientifique et se concentrent sur l’impact potentiel pour les jeunes patients.
Le processus de sélection a été géré par la St. Baldrick’s Foundation. Un comité de sélection composé d’experts qualifiés de la recherche en oncologie pédiatrique a eu la tâche très difficile de choisir un lauréat parmi des scientifiques talentueux en début ou en milieu de carrière qui ont l’expérience de la collaboration internationale.
Pour en savoir plus sur ce prix, rendez-vous sur le site de Fight Kids Cancer en cliquant ici.